Les biais cognitifs pour un milieu de travail inclusif
Je suis biaisé, tu es biaisé, etc. Vous êtes biaisés, vous avez des préjugés. Surpris ? Choqué ? Interpellé ? Je sais, je sais. Vous aimez tout le monde, de toutes les couleurs, de la même manière. Mais c’est un fait : même si vous êtes un professionnel qui valorise la diversité et l’inclusion, vous êtes biaisé et vous avez des préjugés. Je vous rassure, être biaisé, avoir des préjugés est parfaitement humain. Je le suis aussi.
I– LE BIAIS COGNITIF N’EST PAS DÉFINITIF
Le biais cognitif est votre interprétation de ce que vous expérimentez. Vous validez ce que voyez par rapport à la réalité. Ancré dans vos valeurs, vos croyances, votre culture, votre éducation, vos apprentissages, vos expériences, vos interactions, etc., vous déformez la signification d’une situation ou d’une action selon votre perception. Votre filtre personnel cherche des similitudes pour sécuriser et catégoriser selon ce que vous connaissez. Cette monovision justifie et légitime ensuite vos décisions. Ces décrets dictent vos gestes et paroles. Ce biais est émotif et non raisonné. Il ne tient pas compte de la totalité de la réalité, avec ses nombreux côtés, réalité qui, elle, est impartiale. Souvent inconscient, le biais cognitif est réactif. Il répond à un stimulus qui est interprété par vous, pour vous, et qui propose des réactions, choisies dans votre inventaire.
Les préjugés ont souvent mauvaise réputation, mais attention, ils ne sont pas toujours mauvais. Ces impressions qui captent ce que vous vivez motivent vos actions. Au fil des ans, voire des milliers d’années, ces jugements instinctifs ont permis à la race humaine de survivre. Ces préjugés bénéfiques s’activent quand vous faites face à un danger. Dans cet état de fuite ou combat, comme le plus rapide des ordinateurs, vous analysez à une vitesse folle pour solutionner comment vous défendre ou quitter. Comme votre ordinateur, votre cerveau analyse et fouille ensuite votre répertoire en quête de similitudes pour produire le comportement à adopter. Rapidement, basé sur les informations déjà existantes, compartimentées et sauvegardées, par vous, vous décidez de rester si vous connaissez la situation ou de quitter les lieux si ce que vous vivez n’a pas été répertorié. Votre jugement est inspiré de ce que vous connaissez.
Si ce que vous vivez n’a pas été expérimenté auparavant et ne fait pas partie de votre inventaire, La dénégation peut s’en suivre. Cette interprétation individuelle exclut ce qui n’est pas familier. Vous pouvez paralyser, avoir peur, ou refuser de participer. De ces comportements basiques, instinctifs et de survie naissent des exclusions.
Au travail, au cours d’un processus de recrutement, certains éléments peuvent déclencher vos jugements. Par exemple, vous associez certaines tâches à certains groupes de personnes. Ou, quand vous recevez des curriculums vitae et que des informations sont manquantes, vous remplissez les lacunes en utilisant différentes hypothèses. Conscient de ces mécanismes automatiques de filtrage, vous avez probablement décidé, comme professionnel des ressources humaines, d’utiliser une grille d’entrevue de sélection très structurée, avec des critères spécifiques, qui donnent des chances égales à tous les candidats.
Fait intéressant; pour éviter d’être biaisés, vos pairs évoluant dans des orchestres symphoniques conduisent des auditions à l’aveugle. Ils ne voient pas les candidats. Ils font leur choix seulement sur la base de ce qu’ils entendent venant des musiciens. Comment pourriez-vous utiliser cette technique au sein de votre société… ?
II– LES GÉNÉRALISATIONS ET LES STÉRÉOTYPES
Tous les stéréotypes sont issus de généralisations. Souvent négatifs, les stéréotypes de certains groupes de personnes sont basés sur vos expériences avec eux, sur des commentaires reçus par les gens en qui vous avez confiance et sur des messages véhiculés par vos médias favoris. Ces préjugés « étiquettent » des gens sans tenir compte des caractéristiques véritables des personnes.
À l’inverse, les généralisations sont présentées comme aidantes. Elles mettent en contexte les affirmations formées sur les caractéristiques et comportements d’individus d’une même communauté. Les stéréotypes jugent en lieu de décrire. Tandis que les généralisations des comportements communs au sein d’un groupe sont typiquement des observations positives et aidantes.
« Les professionnels en ressources humaines ne sont pas très transparents » est un stéréotype. Tandis que « Pour maintenir la confidentialité, les professionnels en ressources humaines sont discrets et réservés ».
Souvent les gens n’hésitent pas à mentionner leurs préjugés favorables. Mais il demeure que les stéréotypes et les généralisations peuvent tous les deux être vrais ou faux.
« Toutes les femmes ont du style » peut être flatteur pour les femmes sans être vrai. Le problème est que les stéréotypes et les généralisations biaisent en lieu de valider l’expérience du moment avec la ou les personnes avec qui vous vivez l’interaction. Les stéréotypes encouragent des préjugés et peuvent facilement mener à la discrimination.
III– IMPLICITE VERSUS EXPLICITE
Implicites ou explicites, les biais inconscients ou conscients affectent vos paroles, vos actions et vos gestes. Ils peuvent être perçus comme ségrégationnistes ou exclusifs. Un roulement des yeux, « eux autres en marketing », regarder son cellulaire quand une personne parle, sont des comportements qui ont tous la possibilité d’être interprétés comme exclusifs.
Quand un biais est implicite, il est sous-entendu. Son pourquoi n’est pas exprimé. Il est sournois et difficilement identifiable. Puisqu’un biais implicite n’est pas énoncé, il est souvent inconscient et surtout difficile à prouver.
Quant au biais explicite, il explique le constat, il détaille le raisonnement du jugement. Dans des situations de crises et d’anxiété, dans le feu de l’action, les biais explicites sortent beaucoup plus rapidement et sont annoncés ou même désespérément criés. Toutes les personnes présentes sont au courant de l’existence du biais. Entendus, les préjugés peuvent être plus facilement abordés, interrogés, approfondis ou dénoncés.
IV– IDENTIFIER SES PRÉJUGÉS
À ce stade-ci, je suis convaincue que vous regardez dans votre rétroviseur. Comme moi, au cours de ma recherche, vous êtes probablement horrifié par des paroles passées ou des gestes posés que vous regrettez. Cette reconnaissance de vos préjugés entamée par cette lecture est une bonne sensibilisation. Poursuivez votre évolution avec le Test d’Associations Implicites de l’Université Harvard. Vous aurez le choix de faire le test pour découvrir vos possibles associations implicites sur : le genre, la couleur de la peau, l’âge, le pays, l’orientation sexuelle, la race et le poids. Cette prise de conscience peut servir d’activité brise-glace pour une de vos réunions, surtout pour celles du comité « Diversité et inclusion pour un milieu de travail sain et équilibré ».
V- COMMENT CONTRER LES PRÉJUGÉS
Admettez que vous êtes humain, que vous êtes biaisé.
Reconnaissez que votre lentille est teintée de votre couleur. Enquêtez sur vos impulsions avant d’agir. Approchez ces motivations avec curiosité. Questionnez pour comprendre avant d’être compris. Soyez empathique. Observez autour de vous quand vous parlez et bougez subtilement, voire sournoisement. Plissements des yeux, recul, sourire forcé ? Changez votre perspective. Revoyez l’échange de l’extérieur. Apprenez.
Développez votre curiosité culturelle et reconnaissez la diversité au travail.
Socialisez avec des gens différents de vous pour élargir votre éventail d’expériences, d’habitudes et de connaissances. Fréquentez d’autres cultures et informez-vous de leurs coutumes. Utilisez vos sens pour développer votre empathie. Cuisinez avec leurs épices. Dansez sur leurs musiques. Apprenez des phrases dans leur langue et utilisez-les. À l’approche des fêtes, faites le tour des coutumes des autres membres de votre équipe. En plus de faire le test ci-haut mentionné, débutez ou terminez une rencontre en invitant les participants à énoncer comment ils sont différents ou similaires. « Je suis __________, mais je ne suis pas __________ », ou « Je suis comme vous __________, mais différent __________ ».
Quand vous êtes témoin de discrimination, concentrez-vous sur les faits et validez-les.
Lorsque vous entendez des commentaires négativement biaisés, confirmez-les. Comme le bon journaliste, tout en restant objectif, sans pointer du doigt, ne laissez pas passer, car « Le silence est un accord ». Interrompez pour vous informer. « Est-ce que je t’ai bien entendu dire … ? » « Rebobinons la cassette et répète stp… » « Tu sais ce genre de commentaire pourrait être interprété comme discriminatoire. » Puis, comme vous le savez à titre de professionnel, au besoin, documentez et disciplinez.
Collaborez avec un.e spécialiste.
Que ce soit une conférence interactive virtuelle, un atelier en ligne ou une séance de débreffage après un test psychométrique, l’apport d’un collaborateur spécialisé ajoutera au sérieux de vos intentions. À votre service. 🙂
CONCLUSION
Depuis les tragiques et très médiatisés décès de George Floyd, Joyce Echaquan et autres personnes appartenant à des minorités visibles, les différentes sources de nouvelles jettent de la lumière sur les sombres préjugés qui ont mené des intervenants à causer la mort. Sensibilisés à ces iniquités nous pouvons stopper les paroles discriminatoires ainsi que les gestes exclusifs. Dans votre rôle vous avez aussi le pouvoir d’éduquer les membres de votre équipe afin que tous aient la même chance de s’épanouir au travail.
Offrir un milieu de travail inclusif et diversifié n’est pas d’inviter tous les employés à la danse. Offrir un milieu de travail inclusif et diversifié est de s’assurer que tous se feront demander de danser.
Publié La référence Ordre des conseillers en ressources humaines du Québec, 17 novembre 2020 (c) Julie Blais Comeau